Il est arrivé, enfin, le voilà: "Confidences à Allah" de Saphia Azzeddine. J'attends ce livre depuis 2008, un bon moment. J'avais vu l'interview de l'écrivain lors d'une émission et j'avais été interpellé par le ton de sa prose. Depuis, quand on me demande de conseiller un livre, j'y pense immédiatement alors que je ne l'ai pas lu...
Pendant trois ans, j'ai fantasmé son contenu, la découverte que ce serait quand je le lirai et le plaisir que j'en ressortirai. Je l'avais aperçu sur la table de chevet d'une amie à qui je l'avais conseillé et première déconvenue, le livre est petit. Il sera gobé en moins de deux, le plaisir ne sera pas long, dommage...
Jbara est une jeune bergère des montagnes du Maghreb. Dans une vie de misère où rien ne semble avoir de sens, Jbara échange son sexe contre un yaourt parce que le yaourt c'est bon et que le sexe, ça pue. C'est au travers d'un dialogue avec Allah, son confident, que Jbara interroge la société qui l'entoure. Est-il possible d'échapper à son destin? Est-ce que Allah en veut à celles qui en viennent à se prostituer?
C'est alors que je commence la divine lecture de ce roman tant attendu. La première partie me satisfait, le ton est cru, original. Saphia Azzedine utilise l'ignorance et la simplicité de language de son personnage pour interpeller à la racine:
« car je suis impure. C'est eux qui le disent, Impure. Mais moi je leur dis à ces connards qu'une femme n'est jamais impure, qu'ils sont tous sortis de nos vagins et que c'est grâce à ce sang qu'ils sont là à déblatérer leurs conneries au nom de Dieu. Je suis isolée dans une pièce parce que j'ai mes règles. C'est le comble. La prochaine fois, j'en mets dans leur bouffe. Chut ».
C'est également de façon adroite que l'écrivain nous fait rire sans détour avec des mots crus, des mots vrais. C'est un livre sur la pauvreté, la misère, la femme et les hommes, les choix.
« Le lendemain, j'appréhende de revoir Sidi Mohamed. Il m'a quand même un peu violée. Il prend son petit déjeuner au bord de la piscine. Il ne me regarde pas, mais comme si il était gêné, comme si je n'existais pas. Comme si ce qu'il m'avait fait la veille n'était rien puisque je ne suis rien. On ne peut pas faire de mal à rien ».
Il ne faut pas se tromper, ce n'est pas un livre sur la religion mais un livre sur la foi. Il est écrit avec une grande vitalité et il pose de belles questions.
"Confidences à Allah", Saphia Azzeddine, éditeur: Léo Scheer
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